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PARADIS  / Hawaï 2016-2017

En 2016 j'arrive pour un premier séjour sur l'archipel d'Hawaï, dernier État américain à avoir rejoint l'Union, seul à être séparé du continent. En me rendant au far far west de l'Amérique, je nourris la fresque visuelle nommée American narratives qui assemble mes récits menés aux États-Unis. Ancrées au milieu de l’océan Pacifique Nord, plus de cent-trente îles forment l’État d'Hawaï. La majesté des paysages, unie à l'Aloha spirit, a valu à l'archipel d'être baptisé Paradis. L'Aloha spirit fonde la vie insulaire. Il célèbre la vie et la nature, la famille et le lien entre les communautés. Les Hawaïens chérissent leurs îles, sont soucieux de les préserver alors qu’elles font face aux enjeux environnementaux et culturels. J'y découvre le croisement des origines du peuple d'Hawaï, héritage des vagues migratoires venant d’abord d’Asie, puis d’Occident. J'observe aussi une autre Amérique, dépouillée des codes qui ont forgé sa tradition documentaire. Une Amérique nue et privée de ses repères familiers, invitant à penser qu'en s'effaçant ainsi, elle permet au Paradis d'exister.

Ronan Guillou (Photographies réalisées sur l'île d'Oahu)

En s’attachant avec Paradis au motif de l’île d’Hawaï, Ronan Guillou ouvre un questionnement sur l’insularité qui comme l’a rappelé le poète Edouard Glissant, devient progressivement la matrice à partir de laquelle s’élabore une « poétique de la relation », porteuse d’un nouvel humanisme.

Cette richesse archipélique, et la dialectique photographique qu’elle déploie se traduit dans diverses tensions à l’œuvre : entre le noir et blanc et la couleur qui permet de montrer une représentation en train de s’écrire, entre des images à vocation documentaire et d’autres nourries de l’observation de détails parfois infimes confinant à l’abstraction, entre des paysages sublimes ou ordinaires et des portraits comme autant d’échanges interrogatifs, entre la fin d’un Eden et le maintien de l’avidité de vivre de la jeunesse.

Les photographies de Ronan Guillou distillent une atmosphère singulière où l’âpreté du réel s’adoucit dans l’épiphanie photographique et la poésie qu’elle provoque. Possédant l’admirable capacité à vriller les surfaces de la normalité pour chercher dans le déjà-vu la part de mystère qui demeure, le photographe nous projette dans une forme de réalisme merveilleux où le mythe baroque du paradis tropical le dispute au goût des images fulgurantes et inattendues. Il ne se contente pas de divulguer son interprétation de l’île mais convie aussi le faisceau d’impression des habitants. L’association de ces images dans un parti-pris volontairement fragmentaire et erratique n’en demeure pas moins d’une grande fluidité et sensualité.
Héloïse Conésa

Conservatrice en Charge de la Photographie Contemporaine - Bibliothèque nationale de France

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